Totems
Totems
Danette Landry
Biographie
Née et élevée à Detroit dans l’état du Michigan, U.S.A., Danette Landry a vécu longtemps en Californie avant de s’installer à Paris en 1997 pour poursuivre ses études en anthropologie culturelle. Apres sa thèse de maitrise accomplie à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris, Landry s’engage dans une vie de « faire et donner forme. » Ce tournant se manifeste comme un voyage profond et déchirant ; relançant un processus de création qui lui a été inculqué dès son plus jeune âge par sa mère, peintre autodidacte.
Landry appelle à une reconstruction et à une matérialisation constantes de sa vie intérieure, de son identité. Cette force est représentée par ses totems de bronze. Landry identifie chaque totem avec un genre. Les totems féminins illustrent la résistance et la force grâce à un empilement complexe de très petites plaques géométriques. Les totems masculins représentent un poids physique et émotionnel semblable aux éléments géologiques, avec des lignes lisses érodées et des traits rocheux. Individuellement, chaque totem porte une variété de blessures analogues à celles trouvées dans l’humanité. Au total, ses sculptures en bronze patiné dégagent une force motrice pour survivre. Avec ces œuvres, Landry exprime sa volonté individuelle de résister et de reconstruire les épreuves et les difficultés de la vie dans des formes et créations nouvelles.
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Éclats d’humanité
En pénétrant dans l’atelier de Danette A. Landry, on découvre immédiatement de grandes sculptures aux allures de totems insolites. Il faut s’en approcher pour appréhender les formes, la structure et le matériau dont ils sont faits. Dans une autre partie de l’atelier, il y de grandes toiles aux couleurs profondes où apparaissent des lignes qui soulignent horizontalement l’espace du tableau.
Quelle est l’origine de ces sculptures ? L’artiste nous révèle que ses sculptures de bronze s’intitulent : Éclats d’humanité. C’est un ensemble d’hommes et de femmes déstructurés par les épreuves de la vie. Les structures féminines des bronzes sont plus régulières et construites. Une de ces sculptures a pour titre « Reconstruite », et une autre, que me signale Danette A. Landry est emblématique par ce qu’elle représente, chargée par une émotion très personnelle liée à sa vie, se nomme Albatros.
Française d’origine américaine, Danette A. Landry est née à Detroit et était résidente en Californie avant de s’établir à Paris. Après une Maîtrise en anthropologie sociale et une thèse à l’Ecole des Hautes Etudes sociales de Paris, elle a arrêté ses études pour se consacrer totalement à la peinture. Elle a beaucoup voyagé, et habité sur quatre continents. Mais ce sont des liens divers et les lignes fragmentées de sa biographie qui l’ont conduite vers la peinture et la sculpture.
Parmi ses sculptures, il y aussi les « hommes blessés », totems composés avec des plaques, parfois géométriques, ou effilées. Toujours avec une constance, la ligne. La ligne comme le soulignait l’anthropologue, Tim Ingold (1), indique qu’une « étude des hommes et des choses est une étude des lignes dont ils sont faits ». Tous nos mouvements, nos manières de tisser des liens ou de dessiner, en tant qu’être humain, sont « une fabrique de lignes ». On pense aux théories du Bauhaus, aux textes de Kandinsky (Point, Ligne sur Plan et Du spirituel en art), et aussi à l’art Minimal et conceptuel, dont l’artiste se réclame.
Les peintures de Danette A. Landry exposent ces lignes visibles, ces traces, parfois superposées qui éclatent sur la toile, recouvertes de résine (rouge, bleu, parfois du noir et du blanc, tout en dégradé) qui absorbent la lumière et distillent une certaine harmonie reliée à la conjonction des couleurs. Toutes ces nuances s’inscrivent sur les toiles par une amplification de la lumière. Toutefois, leur géométrie reste apparente. Dans les sculptures en bronze, on aperçoit comme des ouvertures, telles nervures, des alvéoles, des accidents qui composent la matière première. On pourrait dire que ce sont les artères d’un corps qui se révèlent dans ces totems. « Au début de mon travail pictural, je faisais des sortes de pansements sur mes toiles, comme des band-aids over chaos. Puis il y a des lignes qui coulent sur la toile à certains endroits. Mes tableaux sont devenus plus abstraits, plus minimalistes, et certains monochromes laissent apparaître des lignes peintes. Quand j’étais enfant, j’avais toujours des pinceaux à la main. Sans doute parce que ma mère peignait tout le temps à la maison, puis un jour, je l’ai surpris peignant la façade extérieure de la maison entière tout en rouge. Cette couleur rouge m’a beaucoup marquée. L’émotion, qui s’en est dégagée pour moi, est restée liée à mon vécu jusqu’à l’âge adulte. Cette couleur rouge m’a laissé des traces inaltérables ».
Danette A. Landry travaille à partir de son expérience du monde, de sa vie mouvementée, de son espace spirituel et mental. Elle doit nommer les choses, comme elle le précise. Depuis plus de quinze ans, elle se confronte à ses thèmes et à la matière qu’elle modèle. C’est un exutoire. Elle a besoin d’une dépense dans la poursuite de son travail d’artiste. Physiquement et mentalement, c’est une nécessité pour elle de matérialiser ses émotions, son passé et sa vie présente. Une manière d’extérioriser et de spatialiser son moi profond. Ce processus physique de déplacement de lignes avec ces allers et retours est une manière de creuser des sillons. L’espace de la toile incorpore la gestuelle du tracé de la main pour constituer un profond champ visuel. Ses références sont puisées dans le minimalisme : Agnès Martin, Malevitch, Rothko ou bien Richard Serra. Les œuvres de Danette A. Landry, ses totems qu’elle nomme Éclats d’humanité, sont pour elle des « êtres imparfaits », une ligne d’épreuves, de ruptures, d'imprévus, toutes les vicissitudes de l’existence semblent se croiser dans ces entrelacements de matières. « Les éclats de ma vie m’ont beaucoup inspirés. Il s’agit à présent de reconstruire tous ces éclats existentiels. ». Dit-elle. Une catharsis en acte à travers sa vision plastique intensément sensorielle.
©Patrick Amine, 2018. Paris
(1) Tim Ingold, Une brève histoire des lignes, Ed. Zones sensibles, 2011.
Exposition/Exhibition. Galerie MR14 Marais, 14 rue Portefoin – 75003 Paris – du 19 au 22 avril 2018. T. +33. (0)6 10 86 90 41
Biography
Born and raised in Detroit, Michigan, Danette Landry was a longtime resident of California before moving to Paris in 1997 to pursue studies in cultural anthropology. After receiving a master’s degree and completing her thesis at the Ecole des Hautes Etudes Sociales in Paris, Landry decided to devote herself to a life of ‘making and giving form’. This turning point manifested as a profound and splintering journey; reigniting a creative process that was instilled into her at a young age by her mother, a self-taught painter.
Landry calls for a constant reconstruction and materialization of one’s self. This force is represented in her bronze totems. Landry identifies each totem with a gender. The feminine totems depict resilience and strength through a complex stacking of very small geometric plates. The masculine totems portray a physical and emotional weight bearing a similarity to geological elements with smooth eroded lines and rock-like features. Individually, each carries a variety of wounds analogous to those found in humanity. Altogether, the patinated bronze sculptures exude a driving force to survive. With these works, Landry expresses her individual will to resist and reconstruct life’s trials and hardship into new forms and new expressions of the spirit.
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Fragments of humanity
Entering Danette Landry’s studio, we immediately come upon prodigious totem-like sculptures. You have to approach them to understand the shapes, the structure and the material of which they are made. In another part of the workshop, there are large, deep-coloured canvases with lines that outline the space of the painting horizontally.
What is the origin of these sculptures? The artist reveals to us that her bronze sculptures are entitled: Fragments of humanity. It is a group of men and women who have come apart because of the trials of life. The female structures of the bronzes are more regular and constructed. One of these sculptures is entitled ‘Reconstructed’, and another, which Landry claims is emblematic for what it represents, is charged with a very personal emotion related to her life and called ‘Albatross'.
French artist, Danette A. Landry was born in Detroit and was a longtime resident of California before moving to Paris. After a Master's degree in social anthropology and a thesis at the Ecole des Hautes Etudes Sociales in Paris, she stopped studying to devote herself entirely to painting. She has travelled extensively and has lived on four continents. But it is various links and the fragmented lines of her biography that led her to painting and sculpture.
Among her sculptures, there are also the ‘wounded men’, totems composed with plates that are sometimes geometric, or tapered. The line is always consistent. The line, as the anthropologist Tim Ingold pointed out (1), indicates that a “study of men and things is a study of the lines of which they are made". All our movements, our ways of weaving or drawing as a human being, are "a factory of lines". We think of the Bauhaus theories, Kandinsky's texts (Point and Line to Plane and the Spiritual in Art), and also Minimal and Conceptual Art), which the artist acknowledges.
Danette Landry’s paintings expose these visible lines, these sometimes superimposed traces that burst onto the canvas, covered with resin (red, blue, sometimes black and white, all in shaded tones) that absorb the light and distil a certain harmony related to the unison of colours. All these nuances are inscribed on the canvases by an amplification of the light. However, their geometry remains apparent. In the bronze sculptures, we see alveoli as openings, like ribs, accidents that make up the raw material. One could say that it is the arteries of a body that reveal themselves in these totems. "At the beginning of my pictorial work, I was doing a kind of bandaging on my paintings, like band-aids over chaos. There are lines flowing on the canvas in some places. My paintings have become more abstract, more minimalist, and certain monochromes reveal painted lines. When I was a child, I always had brushes in my hand. Probably because my mother was painting all the time at home, then one day I caught her painting the outer facade of the whole house red. This red colour marked me profoundly. The emotion, which came out of it for me, remained linked to my experience with color until adulthood. This red colour has left me an unalterable imprint".
Danette Landry works from her experience of the world, her eventful life, her spiritual and mental space. She specifies that she has to name things. For more than fifteen years, she has been confronting her themes and the materials she gives shape. It's an outlet. She needs an outlet in the pursuit of her artistic work. Physically and mentally, it is a necessity for her to materialize her emotions, her past and her present life. A way of externalizing and spatializing one's deep self. This physical process of moving lines back and forth is a way of digging furrows. The space of the canvas incorporates the gesture of the tracing of the hand to form a deep visual field. Her references are drawn from minimalism: Agnès Martin, Malevitch, Rothko and Richard Serra. The works of Danette A. Landry, her totems that she calls Fragments of humanity, are for her "imperfect beings", a series of tests, breaks, of unforeseen gestures, all the vicissitudes of existence seem to be interwoven into this intertwining of media. "The Fragments of my life inspired me a lot. It is now a matter of reconstructing all these existential fragments", she says. It is catharsis in action, manifest through her intensely sensory visual perception.
©Patrick Amine, 2018. Paris
(1) Tim Ingold, A Brief History of Lines, Ed. Zones sensibles, 2011.
Exhibition. Galerie MR14 Marais, 14 rue Portefoin - 75003 Paris - from 19-22 April, 2018. T. +33. (0) 6 10 86 90 41